Destins de compositrices
Spectacle musical écrit par Christine Massetti
Mis en scène par Frédéric Prévost
Interprété par Isa Lagarde, soprano, et le Quatuor Talea
Musiques de Hildegaard von Bingen, Lili Boulanger, Francesca Caccini, Beatritz de Dia, Louise Farrenc, Marie Jaëll, Christine Massetti, Fanny Mendelssohn-Hensel, Ethel Smyth, Barbara Strozzi, Germaine Tailleferre, Clara Wieck-Schumann.
Christine Massetti, autrice et compositrice
La conception du spectacle Des fenêtres sur le ciel a été pour moi l’occasion de me replonger au coeur de mes premières émotions musicales, et à la naissance de ce désir d’écriture enraciné dans l’enfance.
En même temps que la musicienne adulte que je suis découvrait ces multiples destins de femmes compositrices qui m’avaient longtemps été cachés, l’idée d’y jeter un regard subjectif et personnel a germé.
C’est cette jubilation que j’ai voulu mettre en scène : celle de la découverte d’une création obstinée, jaillissant malgré les obstacles et les interdits.
Le procédé du collage m’a permis d’ébaucher une sorte de puzzle, incomplet bien sûr, mais faisant émerger le visage de femmes trop souvent méconnues, si différentes et pourtant unies dans une même passion.
L’esprit d’enfance anime ce spectacle, et le final, inspiré d’Alice au pays des merveilles,
est une mise en abyme de l’acte d’écriture : la chanteuse, qui a incarné tantôt Hildegaard von Bingen, tantôt Ethel Smyth ou Hélène de Montgeroult, deviendra une compositrice d’aujourd’hui, ébauchant « en direct » un opéra.
Avec mes partenaires musiciennes Isa Lagarde et le Quatuor Talea et le metteur en scène Frédéric Prévost, ce spectacle, collectivement mûri, se voudrait à la fois précurseur, décalé, impertinent, tantôt émouvant, tantôt drôle, admiratif des grandes inspiratrices de l’histoire, et plus que jamais engagé dans le présent.
Les titres joués dans le spectacle :
Le regard de Frédéric Prévost, metteur en scène :
Une traversée. Traversée contre les apparences. Dans l’histoire de la Musique. Des musiques. Ecrites par des femmes.
Du Moyen-Age à nos jours, dans les couvents, dans les salons, dans les foyers, des femmes, qui n’avaient d’autres droits que d’être mère ou nonne, ont composé. Tenues à l’écart des institutions, en butte aux préjugés, elles ont lutté contre les stéréotypes du genre, pour accomplir ce geste universel : Créer.
Des fenêtres sur le ciel évoque les destinées et les œuvres de ces pionnières. Leur combat précurseur, toujours singulier, souvent solitaire, a ouvert la voie aux femmes compositrices. Elles sont des centaines en Occident, méconnues pour la plupart, comme effacées de la mémoire. Pourtant, c’est une véritable effervescence créatrice qui relie à travers les âges et les conditions la religieuse auteure d’antiennes à la compositrice de musique contemporaine.
L’objectif de la mise en scène consiste à mettre en regard deux mouvements antagonistes :
- D’une part, la dynamique foisonnante de l’écriture musicale. La joie de produire. Sur le plateau. Des jeter, en leitmotiv, d’éléments graphiques sur une jonchée de feuilles blanches : confettis rouges (couleur de la musique écrite au Moyen-Âge), confettis noirs figurant des notes sur une portée, partitions, pigments… soit tout un matériel pictural qui s’étend, se répand, se disperse. Le geste fondateur d’une scénographie de l’accumulation et du gommage, par lequel les musiciennes s’approprient l’espace et manifestent le bouillonnement de leur activité de compositrices.
- D’autre part, le mécanisme de retrait individuel et d’effacement collectif des femmes compositrices.
Au geste de l’écriture (inscription en temps réel de signes sur des éléments de costume dont on se défait comme d’une mue) succède le sacrifice : qui pour un époux (Clara Schumann), qui pour un frère (Fanny Mendelssohn), tous deux compositeurs. Ou l’épuisement du corps consumé par la création (Lili Boulanger) …
C’est aussi un dialogue furtif entre différents champs artistiques. La peinture et la statuaire en particulier. Des disciplines où des hommes représentent la musicienne sous les traits exclusifs de l’interprète, et non de la compositrice. Sur le plateau, les corps féminins se figent brièvement en un tableau vivant, reproduisant des postures inspirées de telle ou telle toile (ici, Sainte-Cécile par Nicolas Poussin ; là, un simple drapé et c’est un tableau de la renaissance…). Puis, c’est la dispersion du groupe, le bris du cadre où l’androcentrisme les cantonne.
Litanie de noms. Flux musical. Lettres. Saynètes… Au total, une dramaturgie de la superposition, de la disruption, où cinq musiciennes donnent corps en chœur à une lutte très actuelle : la liberté de composer en étant femme.
Isa Lagarde fait ses études de chant et de théâtre à Paris, et se perfectionne à la Guildhall School of Music de Londres puis au cours de master-classes auprès notamment de Christa Ludwig, Geoffrey Parsons, Gérard Souzay.
On l’applaudit dans des rôles d'opérette et de comédies musicales mais aussi en récital. Son goût pour la musique d’aujourd’hui se traduit par la collaboration avec des compositeurs comme Bernard Cavanna, Jacques Rebotier et Richard Dubelski et elle participe à de nombreuses créations de théâtre musical, notamment avec l’Ensemble Ars Nova, et avec la compagnie Corps à Sons. Affectionnant particulièrement la musique de chambre, elle se produit régulièrement en récital avec piano ou avec un trio en France et à l'étranger.
Fondé en 2010 par des membres de l’Ensemble Intégral, le Quatuor Talea explore, sans souci de frontière, le répertoire classique tout autant que contemporain, et se consacre avec enthousiasme à des projets transdisciplinaires où se mêlent musique, arts visuels, performances, danse…
Eclectique, le Quatuor Talea recherche le dialogue des esthétiques et une relation privilégiée avec son public. Leurs programmes mettent en valeur des œuvres méconnues et propositions originales, où une large part est consacrée à la création.
Concert traditionnel, concert commenté ou spectacle, l'activité du Quatuor est résolument tournée vers le présent.
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